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Das Rheingold” by Richard Wagner libretto (French)

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Contents: Personnages; Scène Première; Scène Deuxième; Scène Troisième; Scène Quatrième
Scène première

Au fond du Rhin

WOGLINDE
Veya ! Vaga ! Vague, Ô la vague, la vague bercée, la vague berceuse ! Yagalaveya ! Vallala veyala yeya !

LA VOIX DE WELLGUNDE, venant d'en haut.
Woglinde, es-tu seule à veiller ?

WOGLINDE
Avec Wellgunde, je serais à deux.

WELLGUNDE, du haut du Fleuve, plonge en bas vers le roc.
Montre voir comme tu veilles.
(Elle cherche à attraper WOGLINDE.)

WOGUNDE, à la nage, lui échappe.
Ici je te nargue.
(Elles se lutinent, cherchent à se prendre, par jeu.)

LA VOIX DE FLOSSHILDE, venant d'en haut.
Heyala veya ! Turbulentes de sœurs !

WELLGUNDE
Nage, Flosshilde ! Woglinde échappe : à l'aide, pour saisir la fuyarde !

FLOSSHILDE plonge, et descend entre les deux joueuses.
Sur l'Or, qui dort, vous veillez mal ; faites meilleure garde autour du berceau du Dormeur, ou vous payerez cher, toutes deux, votre jeu !

(Avec de gais cris vifs, ses deux sœurs se poursuivent : Flosshilde cherche à saisir tantôt l'une, tantôt l'autre ; elles lui échappent et, finalement, se réunissent pour donner, à Flosshilde, la chasse : ainsi, comme des poissons, elles frétillent, vont d'un roc à l'antre, en folâ­trant, avec des rires.)
Cependant, surgi du gouffre par une ténébreuse crevasse, Alberich, gravissant l'un des rocs, a paru. Il fait halte, enveloppé encore d'obs­curité, et se plaît à contempler, muet, les ébats des Ondines.

ALBERICH
Hé, hé ! Nixes !
Que vous êtes mignonnes, enviable peuple !
Hors de la nuit du Nibelbeim, j'aurais plaisir
à venir vers vous, si vous vous incliniez vers moi.
(Au son de voix d'ALBERICH, les Ondines cessent leur jeu.)

WOGUNDE
Heï ! qui est là-bas ?

WELLGUNDE
C'est noir et ça crie.

FLOSSHILDE
Voyons un peu qui nous espionne !
(Elles plongent, s'enfonçant davantage, et reconnaissent alors le Nibelung.)

WOGLINDE, WELLGUNDE
Pouah ! l'horreur !

FLOSSHILDE, remontant rapidement.
Veillez bien sur l'Or !
C'est contre un tel ennemi que le Père nous mit en garde.
(Les deux autres la suivent ; et toutes trois se réunissent, vivement, autour du roc central.)

ALBERICH
Vous, là-haut !

TOUTES TROIS
Que veux-tu, là, en bas?

ALBERICH
Pour me tenir en silence ici, dans ma surprise, est-ce que je trouble donc vos jeux ? Si vous plongiez vers lui, le Niblung aurait plaisir à faire des folies avec vous !


WELLGUNDE
C'est avec nous qu'il veut jouer ?

WOGLINDE
Raille-t-il ?

ALBERICH
Comme, dans l'eau miroitante, vous semblez claires et belles ! Comme volontiers mon bras étreindrait celle, des sveltes, qui voudrait me faire la grâce de descendre auprès de moi !
FLOSSHILDE
A présent je ris de ma peur : l'ennemi est amoureux.
(Elles rient.)

WELLGUNDE
L'affreux hibou lubrique !

WOGLINDE
Faisons sa connaissance ?
(Elle se laisse descendre et glisser jusque sur le sommet du roc au pied duquel est Alberich.)

ALBERICH
Celle-ci descend vers moi.
WOGLINDE
A ton tour, viens près de moi !

ALBERICH escalade, leste comme un kobold, quoique forcé de faire halte à différentes reprises, le roc, dont il atteint la cime.
Mica glaiseux, gluant et lisse ! Et comme je glisse ! Pour les mains, pour les pieds, nulle prise, nul équilibre, un sol qui fuit ! (Il éternue.) L'eau me chatouille jusqu'au fond du nez : maudit éternuement !
(Il se trouve, à présent, dons le voisinage de WOGLINDE.)

WOGLINDE, riant.
C'est avec des éternuements qu'approche mon magnifique amant !

ALBERICH
Sois à moi, délicate enfant !
(Il chercha à l'enlacer.)

WOGLINDE, se dégageant.
Si tu veux m'aimer, viens m'aimer ici !
(Elle s'est élancée sur un autre roc. Ses sœurs rient.)

ALBERICH , se grattent la tête.
Ο malheur: tu t'enfuis ? Reviens donc ! Tu montes là sans peine, toi : mais moi !...

WOGLINDE se laisse couler sur un troisième rocher, situé plus profondément.
Descends seulement au fond : là tu ne peux que m'attraper !

ALBERICH, sautant lestement.
Oui, là, en bas : certes, c'est bien mieux !

WOGLINDE remonte, d'un bond, sur un roc à l'écart.
Et maintenant, tout en haut !
(Toutes rient.)
ALBERICH Renchéri de poisson ! comment le prendre au bond ? Attends, perfide !
(Il s'apprête à grimper vivement à sa poursuite.)

WELLGUNDE, qui s'est placée sur un autre rocher, situé plus profondément.
Heya ! Mon doux ami ! n'entends-tu pas ma voix ?

ALBERICH, se retournant.
C'est toi qui m'appelles ?

WELLGUNDE
Mon conseil est bon : viens de mon coté, laisse là Woglinde.

ALBERICH saute avec prestesse sur le sol, et court à WELLGUNDE.
Tu es bien plus belle que cette sauvage-là, — cette moins brillante — et trop fort glissante. — Plonge seulement plus au fond, si tu veux m'être bonne ?

WELLGUNDE, descendant un peu plus.
À présent, suis-je à ta portée ?

ALBERICH
Pas assez ! Jette tes souples bras autour de moi, que je puisse te lutiner, toucher ta nuque, te caresser, me serrer étroitement contre toi, contre ta poitrine palpitante, avec tendresse, avec passion !
WELLGINDE
Es-tu si amoureux, si assoiffé de plaisir ? Voyons d'abord, mon cher, comment tu es tourné ? — Pouah ! velu ! Pouah ! bossu ! Le gnome noir ! L'affreux nain-du-soufre ! Cherche une amante à qui tu plaises !

ALBERICH cherche à la retenir de force.
Je ne te plais pas, soit ! mais je te tiens.

WELLGUNDE, d'un bond, s'élance sur le roc du milieu.
Tiens-moi bien, je pourrais t'échapper !
(Toutes les trois rient.)

ALBERICH, irrité, l'invectivant.
Fille perfide ! Froid poisson, qu'on ne sait par où saisir ! Si tu ne me trouves pas beau, charmant, plaisant, mignon, brillant, et si ma peau te dégoûte, eh bien ! va-t'en faire l'amour aux anguilles !

FLOSSHILDE
Qu'as-tu à gronder, Alfe ? Si vite découragé ? Tu n'as demandé qu'à deux ! La troisième, si tu lui parlais, si tu l'aimais, te réserve une douce consolation !

ALBERICH
O chant propice descend ici vers moi. — Que vous soyez plus d'une, quelle chance ! car, sur plusieurs, j'en séduirai bien une : tandis que si vous n'étiez qu'une ! — Dois-je te croire ? Alors viens, descends, coule-toi ici!

FLOSSHILDE descend vers ALBERICH.
Sœurs niaises ! êtes-vous assez folles de le trouver laid !

ALBERICH, s approchant vivement.
Elles le sont à mes yeux, niaises, et laides aussi, depuis que je t'ai vue, toi, la plus charmante.

FLOSSHILDE, câline.
Ο chante encore : si douce, si délicate, si magnifique, ta voix m'extasie les oreilles !

ALBERICH, la touchant familièrement.
Doux compliment : mon cœur tressaille, tremble et se trouble de plaisir.

FLOSSHILDE le repousse avec douceur.
Ton charme fait la joie de mes yeux ; ton doux sourire, la joie de mon âme! (Elle l'attire tendrement vers elle) Ο bien-aimé !

ALBERICH
Ο bien-aimée !

FLOSSHILDE
Puisses-tu m'aimer !

ALBERICH
Puisses-tu m'appartenir toujours !

FLOSSHILDE, le tient tout à fait embrassé.
Ton regard brûlant, ta barbe hirsute, ô puissé-je à jamais les voir, les contempler ! Ta rude tignasse, ses boucles héris­sées, puisse Flosshilde, à jamais, les envelopper de ses flots ! Ta figure de crapaud, le croassement de ta voix, ô puissé-je, surprise et muette, n'en plus voir, n'en plus ouïr d'autre !
(WOGLINDE et WELLGUNDE, en plongeant, se sont approchée par der­rière ; elles poussent, lorsqu'elles sont tout contre eux, un retentissant éclat de rire.)

ALBERICH, bondissant, surpris, des bras de FLOSSHILDE.
Est-ce de moi que vous riez, méchantes ?

FLOSSHILDE, s'arrachant brusquement à lui.
Comme de juste, au bout de la chanson.
(Elle remonte vite, avec ses sœurs,et mêle, aux leurs, ses éclats de rire).

ALBERICH, d'une voix déchirante.
Malheur ! hélas malheur ! Ο douleur ! Ο douleur ! La troi­sième, la plus chère, m'a-t-elle aussi joué ? — Filles sans pudeur ! Perfides ! Vile engeance de débauche ! Ne vivez-vous que d'imposture, clique de Nixes sans foi ?

LES TROIS FILLES-DU-RHIN
Vallala ! Lalaleya ! Laleï ! — Heya ! Heya ! Haha ! —Tu de­vrais avoir honte, Alfe ! Cesse de criailler, là au fond ! Ecoute ce que nous te répliquons ! Pourquoi, poltron, n'as-tu pas eu l'audace de garrotter celle que tu aimes ? Sans félonie, nous sommes fidèles à l'amoureux qui nous capture. — Attrape-nous seulement, et puis n'aie pas peur ! Nous aurons bien du mal à nous sauver, dans le Fleuve.
(Elle se mettent à nager séparément et ça et là, tantôt plus bas, tantôt plus haut, pour pousser ALBERICH à leur donner la chasse.)

ALBERICH
Quelle dévorante chaleur me brûle, circule à travers tous mes membres ! La rage et l'amour, puissamment, sauvagement, bouleversent mon être ! — Ah ! vous rirez ! vous mentirez ! j'ai soif de m'assouvir sur vous, il faut que l'une de vous m'appartienne !
(Il se met à les pourchasser en des efforts désespérés ; escalade, avec une terrible agilité, roc sur roc, bondit de l'un à l'autre, cherchant à saisir tantôt l'une et tantôt l'autre des Ondines, qui échappent, à chaque tentative, avec d'outrageants éclats de rire ; il trébuche, roule au fond du gouffre, se rue alors, précipitamment, pour remonter ; enfin, à bout de patience, bavant de rage, hors d'haleine, il s'arrête et montre, aux Ondines, son poing, convulsivement fermé.)

ALBERICH, à peine maître de soi.
Qu'en ce poing-là j'en tienne une !...
Il s'obstine en une rage muette, les regards braqués en haut, attirés soudain, fascinés, par un spectacle tout nouveau.
A travers le Fleuve descend et circule, de plus en plus claire, une lueur : au haut du roc central elle s'embrase, et flamboie, d'une splendeur d'or éblouissante, qui limpide, radieuse et magique, se propage à tra­vers les eaux.

WOGLINDE
Voyez, sœurs ! L'éveilleuse rit, dans les eaux profondes.

WELLGUNDE
Elle salue, à travers les collines des flots glauques, le joyeux Dormeur mystérieux.

FLOSSHILDE
Pour qu'il les rouvre, elle baise ses yeux ; admirez comme ils brillent, dans les splendeurs radieuses ! D'onde en onde, leurs regards d'étoiles glissent, éblouissants, par les vagues.

TOUTES TROIS, nageant ensemble, avec grâce, autour du rocher.
Heyayaheya ! — Heyayaheya ! — Vallalallalala leyayaheï ! — Or-du-Rhin ! Or-du-Rhin ! Qu'il est clair, ton rire de lu­mière ! qu'il est divin, ton rire de joie ! — Heyayaheï — Heyayaheya ! — Réveille-toi, bien-aimé, joyeusement réveille-toi ! C'est pour toi nos ébats, la grâce de nos ébats : le flot doré scintille, le Fleuve sacré flamboie ; tournoyons dans son lit, toutes aux délices du bain, glissons ! plongeons ! des danses ! des chants ! Or-du-Rhin ! Or-du-Rhin ! Heyayaheya ! — Vallalaleya yaheï !

ALBERICH, , obstinément, les yeux restent fixés sur l'Or, comme fasciné par sa splendeur.
Qu'est-ce donc, fuyardes, qui brille et rayonne ainsi-là ?

LES TROIS JOUVENCELLES, tour à tour.
Pour n'avoir jamais ouï de lOr-du-Rhin, d'où sors-tu donc, âpre niais ? — Toi, ignorer l'Or, toi, un Alfe ? ignorer l'Or dont l'œil tour à tour veille, sommeille, astre des eaux pro­fondes, divine lumière des vagues ? — Vois quelles délices pour nous, quelles délices de glisser dans les prestiges de sa splendeur ! Viens, poltron, t'y baigner aussi, viens y nager comme nous, t'en griser avec nous !
(Elles rient.)

ALBERICH
L'Or n'est bon qu'à vous éclairer dans vos ébats et vos plongeons ? Voilà qui me serait indifférent !

WOGLINDE
Il ne dirait pas de mal de la parure de l'Or, s'il en savait toutes les merveilles !

WELLGUNDE
L'Or-du-Rhin ! c'est l'Héritage même du Monde qu'il conquer­rait, avec un pouvoir sans limites, à quiconque aurait su s'en forger un Anneau.

FLOSSHILDE
Voilà ce qu'a dit le Père, en nous recommandant de veiller, avec prudence, sur le Trésor limpide, pour que nul traître ne l'arrache au Fleuve : silence donc, indiscrètes bavardes !

WELLGUNDE
Très prudente sœur ! est-ce à propos que tu grondes ? Ignores-tu donc auquel, seul parmi tous les êtres, il est réservé de forger l'Or ?

WOGLINDE
Celui-là seul qui renonce au pouvoir de l'Amour, celui-là seul qui chasse la douceur de l'Amour, celui-là seul, Maître du charme, pourra faire, avec l'Or, l'Anneau.

WELLGUNDE
Nous sommes bien tranquilles, et sans crainte : car il suffit qu'un être vive pour qu'il veuille en même temps aimer ; pas un ne renoncerait à l'Amour.

WOGLINDE
Lui moins que tout autre, l'Alfe lascif : il périrait plutôt, d'amour !

FLOSSHILDE
Je ne le crains guère, après l'épreuve que j'en ai faite : l'ardeur de son amour m'aurait presque enflammée.

WELLGUNDE
Un brandon de soufre dans le flux des vagues : en sa colère d'amour il siffle bruyamment.

TOUTES TROIS, ensemble.
Vallalalleya ! Laheï ! Alfe charmant, ne riras-tu pas aussi ? Dans la splendeur de l'Or, comme tu brilles beau ! Viens, charmant, viens rire avec nous !
(Elles rient.)

ALBERICH, l'œil fixé sur l'Or, obstinément, n'a pas perdu, de leur babillage, un mot.
C'est l'Héritage du Monde que j'obtiendrais par toi ? Si je ne puis me conquérir l'Amour, ne pourrais-je habilement, du moins, me conquérir la joie-des-sens ? (Hout, d'un accent terrible :) Raillez, soit ! Le Nibelung va jouer, avec vous !
(Furieusement il bondit vers le rocher central, dont il escalade le sommet avec une effroyable précipitation. Les Ondines se séparent avec des cris aigus, et fuient, remontant de divers côtés.)

LES TROIS FILLES-DU-RHIN
Heya ! Heya ! Heyahaheï ! Sauvez-vous ! l'Alfe est enragé ! l'eau pétille et jaillit sous lui : c'est l'Amour qui l'a rendu fou!
(Elles s'esclaffent d'un rire frénétique.)

ALBERICH, au sommet du roc, en étendant la main vers l'Or.
Vous n'avez donc pas peur encore ? Faites l'amour désor­mais dans les ténèbres, humide engeance ! J'éteins votre lu­mière ; l'Or, je l'arrache au roc, pour en forger l'Anneau ven­geur : car, que le Fleuve m'entende, — ainsi, je maudis l'Amour !
(Avec une force terrible, il arrache l'Or au roc, et précipitamment se rue vers les profondeurs, où il disparaît avec lui. Le Fleuve, à l'instant même, s'emplit d'une épaisse nuit. Les Ondines plongent, en toute hâte, à la poursuite du ravisseur.)

LES FILLES-DU-RHIN, vociférant.
Arrêtez le voleur ! Sauvez l'Or ! A l'aide ! A l'aide ! Mal­heur ! Malheur !
(Le Fleuve paraît, en même tempe qu'elles, s'enfoncer vers les profon­deurs : on entend sonner, aux abîmes, les risées aiguës d'ALBERICH. Les rochers disparaissent dans l'obscurité dense ; toute la scène est, du haut en bas, remplie d'un noir ondoiement d'eaux, qui, durant un assez long temps, semblent, de plus en plus, baisser.)

libretto by Louis-Pilate de Brinn’Gaubast, Edmond Barthélemy, 1894 
Contents: Personnages; Scène Première; Scène Deuxième; Scène Troisième; Scène Quatrième

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