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“Guillaume Tell” by Gioachino Rossini libretto (French)
Contents: Personnages; Premier Acte; Deuxième Acte; Troisième Acte; Quatrième Acte |
Les hauteurs du Rutli, surplombant le Lac des Quatre-Cantons (Lac de Lucerne). On aperçoit aux confins de l'horizon la cime des montagnes de Schwyz ; au bas se trouve le village de Brunnen. Des sapins touffus qui s'élèvent des deux côtés de la scène complètent la solitude. (Des piqueurs, portant des flambeaux, ouvrent la marche ; d'autres dirigent la meute ; d'autres arrivent avec des cerfs, des renards et des loups tués ; des dames et des seigneurs à cheval, ayant le faucon au poing, et suivis de pages traversent le théâtre ; enfin, des chasseurs à pied font une halte et vident les gourdes dont ils sont munis.) CHŒUR DES CHASSEURS Quelle sauvage harmonie Au son des cors se marie ! Le cri du chamois mourant Se mêle au bruit du torrent ; L'entendre exhaler sa vie Est-il un plaisir plus grand ? Des tempêtes la furie N'a rien de plus enivrant, etc. (On entend le son d'une cloche.) UN CHASSEUR Quel est ce bruit ? CHŒUR DES BERGERS (dans la montagne) Au sein de l'onde qui rayonne Le soleil, fuit, le soleil fuit ; Des monts que la neige couronne L'éclat s'évanouit, l'éclat s'évanouit. Du village la cloche sonne, |
C'est notre retour qu'elle ordonne. Voici la nuit, voici la nuit. UN CHASSEUR Des pâtres la voix monotone Encore, encore nous poursuit ; Du Gouverneur le cor résonne, (avec CHŒUR DES CHASSEURS) C'est notre retour qu'il ordonne. Voici la nuit, voici la nuit ! Le cor résonne, le cor résonne, Voici la nuit, voici la nuit ! (Ils sortent. Mathilde entre, elle semble s'être séparée à dessein du gros de la chasse.) MATHILDE Ils s'éloignent enfin ; j'ai cru le reconnaître ; Mon cœur n'a point trompé mes yeux. Il a suivi mes pas, il est près de ces lieux. Je tremble !... s'il allait paraître ! Quel est ce sentiment profond, mystérieux Dont je nourris l'ardeur, que je chéris peut-être ? Arnold ! Arnold ! est-ce bien toi, Simple habitant de ces campagnes, L'espoir, l'orgueil de ces montagnes, Qui charmes ma pensée et causes mon effroi ? Ah ! que je puisse au moins l'avouer à moi-même ! Melchthal, c'est toi que j'aime ; Tu m'as sauvée le jour Et ma reconnaissance excuse mon amour. Sombre forêt, désert triste et sauvage, Je vous préfère aux splendeurs des palais ; C'est sur les monts, au séjour de l'orage, Que mon cœur, que mon cœur peut renaître à la paix ; Mais l'écho seulement apprendra mes secrets, etc. Toi, du berger astre doux et timide, Qui, sur mes pas, viens semant tes reflets, Ah ! sois aussi mon étoile et mon guide ! |
Comme lui, tes rayons, tes rayons sont discrets, Et l'écho seulement redira mes secrets, etc. (Arnold s'est montré pendant les dernières mesures de la romance.) ARNOLD Ma présence pour vous est peut-être un outrage ? Mathilde, mes pas indiscrets Ont osé jusqu'à vous se frayer un passage. MATHILDE On pardonne aisément les torts que l'on partage, Arnold, je vous attendais. ARNOLD Ce mot où votre âme respire, Je le sens trop, la pitié vous l'inspire ; Vous plaignes mon égarement ; Je vous offense en vous aimant. Que ma destinée est affreuse ! MATHILDE La mienne est-elle plus heureuse ? ARNOLD Il faut parler, il faut, dans ce moment Si cruel et si doux, si dangereux peut-être, Que la fille des rois apprenne à me connaître ; J'ose le dire avec un noble orgueil, Pour vous le ciel m'avait fait naître. D'un préjugé fatal j'ai mesuré l'écueil ; Il s'élève entre nous de toute sa puissance ; Je puis le respecter, mais c'est en votre absence. Mathilde, ordonnez-moi de fuir loin de vos yeux, D'abandonner ma patrie et mon père, D'aller mourir sur la terre étrangère, De choisir pour tombeau des bords inhabités, Prononcez sur mon sort, dites un mot. MATHILDE Restez. Oui, vous l'arrachez à mon âme Ce secret qu'ont trahi mes yeux, |
Oui, vous l'arrachez, etc. Je ne puis étouffer ma flamme, Dût-elle nous perdre tous deux ! etc. ARNOLD Il est donc sorti de son âme Ce secret qu'ont trahi ses yeux ! Il est donc sorti, etc. Sa flamme répond à ma flamme, Dût-elle nous perdre tous deux ! etc. (à Mathilde) Mais entre nous quelle distance, Que d'obstacles de toutes parts ! MATHILDE Ah ! ne perdez pas l'espérance ; Tout vous élève à mes regards. ARNOLD Doux aveu ! ce tendre langage De plaisir enivre mon cœur. MATHILDE Je puis l'aimer, tout me présage Près de lui des jours de bonheur. Je le chéris, tout me présage Près de lui des jours de bonheur. Oui, je l'aime et tout me présage Près de lui des jours de bonheur ! etc. ARNOLD Doux aveu ! ce tendre langage De plaisir enivre mon cœur ! etc. Tout présage ici mon bonheur. Quels transports pour mon cœur ! etc. MATHILDE Retournez aux champs de la gloire, Volez à de nouveaux exploits. Retournez aux champs, etc. On s'ennoblit par la victoire ; Le monde approuvera mon choix. ARNOLD Méritons aux champs de la gloire Le prix qui m'attend au retour : Méritons aux champs, etc. Puis-je douter de la victoire Lorsque j'obéis à l'amour ? |
MATHILDE On s'ennoblit par la victoire. ARNOLD Puis-je douter de la victoire Lorsque j'obéis à l'amour ? Oui - MATHILDE Il est digne de mon amour, oui. Dans celle qui t'aime, Oui, c'est l'honneur même Qui dicte sa loi. Mathilde, constante, Ira sous ta tente Recevoir ta foi. etc. ARNOLD Dans celle que j'aime, Oui, c'est l'honneur même Qui dicte sa loi. Mathilde, constante, Viendra sous ma tente Recevoir ma foi. etc. Je retourne aux champs de la gloire... MATHILDE Retournez aux champs de la gloire... ARNOLD Je vole à de nouveaux exploits. MATHILDE Volez à de nouveaux exploits ; On s'ennoblit par la victoire. ARNOLD Puis-je douter de la victoire Lorsque j'obéis à vos lois ? Oui - MATHILDE Le monde approuvera mon choix ! Oui - Dans celle qui t'aime Oui, c'est l'honneur même, etc. ARNOLD Dans celle que j'aime, Oui, c'est l'honneur même, etc. MATHILDE On vient, séparons-nous. |
ARNOLD Vous reverrai-je encore ? MATHILDE Oui, demain. ARNOLD Ô bonheur ! MATHILDE Quand renaîtra l'aurore, Dans l'antique chapelle, en présence de Dieu, J'entendrai ton dernier Adieu. ARNOLD Ô doux bienfait ! MATHILDE Je te quitte, on s'avance. ARNOLD Ciel ! Walter et Guillaume, oui, fuyez leur présence ! (Mathilde s'éloigne. Tell et Walter entrent.) TELL Tu n'étais pas seul en ces lieux ? ARNOLD Eh bien ? TELL Nous craignons de troubler un si doux entretien. ARNOLD Je ne m'informe pas de vos desseins. WALTER Peut-être Plus qu'un autre dois-tu chercher à les connaître. TELL Non...qu'importe à Melchthal s'il déserte nos rangs, S'il aspire en secret à servir nos tyrans ? ARNOLD Qui te l'a dit ? |
TELL Ton trouble, et Mathilde et sa fuite. ARNOLD On m'épie, et c'est toi ? TELL Moi-même ; ta conduite Hier jeta le soupçon dans ce cœur alarmé. ARNOLD Mais si j'aime... WALTER Grand Dieu ! ARNOLD ...mais si je suis aimé ? Tes soupçons ?... TELL ...seraient vrais. ARNOLD Mon amour ? WALTER Est impie. ARNOLD Mathilde ? TELL Elle est notre ennemie. WALTER Parmi nos oppresseurs elle a reçu la vie. TELL Et Melchthal lâchement embrasse ses genoux ! ARNOLD Mais de quel droit votre aveugle furie ?... TELL Nos droits ? un mot te les apprendra tous : Sais-tu bien ce que c'est que d'aimer sa patrie ? |
ARNOLD Vous parlez de patrie, il n'en est plus pour nous. Je quitte ce rivage Qu'habitent la discorde et la haine et la peur, Dignes filles de l'esclavage ; Je cours dans les combats reconquérir l'honneur. TELL Quand l'Helvétie est un champ de supplices Où l'on moissonne ses enfants, Que de Gessler tes armes soient complices ; Combats et meurs pour nos tyrans, Combats et meurs, etc. ARNOLD Les camps rappellent mon courage ; Aux camps règne la loyauté, Déjà la gloire y marqua mon passage, Elle remplace aussi la liberté. Déjà la gloire, etc. WALTER Pour nous, Gessler préludant aux batailles, D'un vieillard a tranché les jours ; Cette victime attend des funérailles, Elle a des droits à tes secours. Va ! cours ! elle a des droits à tes secours ! etc. D'un vieillard il a tranché les jours, Il a des droits à tes secours. ARNOLD Ah ! quel affreux mystère ! Un vieillard, dites-vous ? WALTER Que la Suisse révère. ARNOLD Son nom ? WALTER Je dois le taire. TELL Parler, c'est le frapper au cœur. |
ARNOLD Mon père !... WALTER Oui, ton père ! Melchthal, l'honneur de nos hameaux, Ton père, assassiné par la main des bourreaux ! ARNOLD Qu'entends-je ! ô crime ! hélas ! hélas ! j'expire ! Ses jours qu'ils ont osé proscrire, Je ne les ai pas défendus ! Ses jours, etc. Mon père, tu m'as dû maudire ! De remords mon cœur se déchire ! Ô ciel, ô ciel ! je ne te verrai plus ! TELL Il frissonne... WALTER Il chancelle, À peine il respire. TELL À peine il respire. ARNOLD J'expire ! TELL, WALTER Il pâlit, le remords le déchire, De l'amour tous les nœuds sont rompus. ARNOLD J'expire ! TELL, WALTER Son effroi remplace son délire, Son malheur lui rendra ses vertus. Le remords le déchire, Il s'émeut au nom de son père, Son cœur est abattu pour jamais. Le malheur j'espère lui rendra ses vertus, etc. |
ARNOLD Mon père, tu m'as dû maudire ! De remords mon cœur se déchire ! O ciel, ô ciel ! je ne te verrai plus ! etc. Il est donc vrai ! WALTER J'ai vu le crime. ARNOLD Toi ? WALTER J'ai vu se débattre et tomber la victime. ARNOLD Grand Dieu ! que faire ? TELL Ton devoir. ARNOLD Il faut mourir ? TELL Il faut vivre ! ARNOLD Eh bien ! contre Gessler servez mon désespoir. Dans Altdorf voulez-vous me suivre ? TELL Modère les transports où ton âme se livre. WALTER Reste et venge à la fois ton père et ton pays. ARNOLD Achève donc ! TELL La nuit, à nos desseins propice, Nous entoure déjà d'une ombre protectrice. Tu vas voir dans ces lieux, que Gessler croit soumis, Surgir de tous côtés de généreux amis : Ils comprendront tes larmes. Au soc de la charrue ils empruntent des armes |
Pour conquérir un digne sort, Ou l'indépendance ou la mort ! TOUS LES TROIS Ou l'indépendance ou la mort ! Embrasons-nous d'un saint délire ! La liberté pour nous conspire ; Des cieux mon/ton père nous inspire ; Vengeons-le, ne le pleurons plus. etc. Pour son pays quand il expire, Son beau destin semble nous dire : C'était aux palmes du martyre À couronner tant de vertus ! C'était aux palmes, etc. Des cieux mon/ton père, etc. Embrasons-nous d'un saint délire, etc. ... a couronner tant de vertus. TELL Des profondeurs du bois immense Un bruit confus semble sortir. Écoutons ! ARNOLD Écoutons ! TELL Silence ! WALTER J'entends de pas nombreux la forêt retentir. ARNOLD Le bruit approche... TELL Qui s'avance ? HOMMES D'UNTERWALDEN (de loin) Amis de la patrie ! amis de la patrie ! TELL Ô bonheur ! ARNOLD Ô vengeance ! TELL, ARNOLD, WALTER Honneur, honneur à leur présence ! |
HOMMES D'UNTERWALDEN Nous avons su braver, nous avons su franchir Les périls comme la distance ; etc. Les torrents, les forêts n'ont pu nous retenir. Sous l'escorte de la prudence Notre audace au Rutli nous a fait parvenir, etc. TELL Du canton d'Unterwald, ô vous généreux fils, Ce noble empressement n'a rien qui nous étonne. WALTER On saura l'imiter : (lointain appel de cor) de nos frères de Schwyz J'entends la trompe qui résonne : De tes enfants sois fier, ô mon pays ! (entrée des hommes de Schwyz) HOMMES DE SCHWYZ En ces temps de malheurs, Une race étrangère Épiant nos douleurs, Nous condamne au mystère. Que ce bois solitaire Seul connaisse nos pleurs ! etc. TELL (à Arnold et Walter) On pardonne la crainte à de si grands malheurs ; Mais croyez en mon espérance, Leurs cœurs répondront à nos cœurs. Honneur à leur présence ! TELL, ARNOLD, WALTER, HOMMES D'UNTERWALDEN Honneur à leur présence ! WALTER Du seul canton d'Uri nous regrettons l'absence. TELL Pour dérober la trace de leurs pas, Pour mieux cacher nos saintes trames, |
Nos frères, sur les eaux, s'ouvrent avec leurs rames Un chemin qui ne trahit pas. WALTER De prompts effets la promesse est suivie, N'entends-tu pas ? TELL Qui vient ? HOMMES D'URI (approchant) Amis de la patrie ! Amis de la patrie ! ARNOLD, TELL, WALTER, HOMMES D'UNTERWALDEN ET DE SCHWYZ Honneur, honneur aux soutiens de nos droits! HOMMES D'URI, DE SCHWYZ ET D'UNTERWALDEN Guillaume, tu le vois, Trois peuples à ta voix Sauront, fiers de leurs droits, Braver un joug infâme. Parle ! Parle ! et tes fiers accents Jaillissant de ton âme, Soudain en traits de flamme Embraseront nos sens ! etc. Parle ! Parle ! TELL (se plaçant au milieu des députés des Trois Cantons) L'avalanche roulant du haut de nos montagnes, Lançant la mort sur nos campagnes, Renferme dans ses flancs Des maux moins dévorants Que n'en sème après lui chaque pas des tyrans. WALTER C'est désormais à nous, c'est à notre courage À purger ce rivage De maîtres détestés. |
HOMMES DE SCHWYZ De la guerre c'est la menace ; Malgré nous la terreur nous glace. WALTER Où donc est votre antique audace ? Mille ans nos aïeux indomptés Ont défendu leurs vieilles libertés ; Est-ce en vous que s'éteint leur race ? HOMMES DE SCHWYZ Malgré nous la terreur nous glace. TELL Courbés aux maux que vous avez soufferts, Si vous ne sentez plus le fardeau de vos fers, Songez du moins à vos familles ; Vos pères, vos femmes, vos filles N'ont plus d'asile en vos foyers. WALTER Il n'est plus parmi nous de toits hospitaliers. TELL Amis, contre ce joug infâme En vain l'humanité réclame ; Nos oppresseurs sont triomphants. Un esclave n'a point de femme, Un esclave n'a point d'enfants ! DÉPUTÉS DES TROIS CANTONS Un esclave n'a point de femme, Un esclave n'a point d'enfants ! C'est trop souffrir, que faut-il faire ? ARNOLD (secouant tout à coup son abattement) Venger le trépas de mon père ! DÉPUTÉS DES TROIS CANTONS Melchthal ! quel crime était le sien ? ARNOLD Son crime ? Il aimait sa patrie ! DÉPUTÉS DES TROIS CANTONS Meurtre abominable, impie ! |
TELL Soyons digne enfin du sang dont nous sortons. Dans l'ombre et le silence, Du glaive et de la lance Armez les trois cantons. DÉPUTÉS DES TROIS CANTONS Dans l'ombre et le silence, Du glaive et de la lance Armez les trois cantons. TELL Demain luira pour nous le jour de vengeance, Nous seconderez-vous ? DÉPUTÉS DES TROIS CANTONS N'en doutez pas, oui, tous. TELL Prêts à vaincre ? DÉPUTÉS DES TROIS CANTONS Oui, tous ! TELL Prêts à mourir ? DÉPUTÉS DES TROIS CANTONS Oui, tous ! TELL Que de nos mains les loyales étreintes Confirment ces promesses saintes. Jurons, jurons par nos dangers... TOUS LES AUTRES Jurons, jurons par nos dangers... TELL ...Par nos malheurs, par nos ancêtres... TOUS LES AUTRES ...Par nos malheurs, par nos ancêtres... TELL ...Au Dieu des rois et des bergers... |
TOUS LES AUTRES ...Au Dieu des rois et des bergers... TELL ...De repousser d'injustes maîtres. TOUS LES AUTRES ...De repousser d'injustes maîtres. (avec TELL) Si parmi nous il est des traîtres, Si parmi nous il est des traîtres, Que le soleil, de son flambeau, Refuse à leurs yeux la lumière, Le ciel, l'accès à leur lumière, Et la terre, un tombeau ! Jurons, par nos dangers, etc. Tous nous le jurons, tous nous le jurons ! ARNOLD Voici le jour ! WALTER Pour nous c'est un signal d'alarmes. TELL De victoire ! WALTER Quel cri doit y répondre ? TOUS Aux armes, aux armes, aux armes ! |
libretto by Étienne de Jouy, Hippolyte Bis |
Contents: Personnages; Premier Acte; Deuxième Acte; Troisième Acte; Quatrième Acte |