Other “Le postillon de Lonjumeau” libretti [show] |
• German
• French |
“Le postillon de Lonjumeau” by Adolphe Adam libretto (French)
Contents: Personnages; Acte I; Acte II; Acte III |
Le théâtre représente une sorte de hangar, ouvert sur un village; à droite, la porte d'entrée de la salle commune des voyageurs; à gauche, celle du logement de la maîtresse d'auberge, au-dessus de cette porte, une fenêtre avec un petit balcon rustique en saillie; dans le fond on aperçoit à droite une boutique de charron. N° 1. LE CHŒUR Le joli mariage! Enfin ils sont unis! Tous leurs vœux sont remplis! Le joli mariage! L'amour seul les engage, Le joli mariage! Enfin ils sont unis! Le joli mariage! L'amour seul les engage, Le joli mariage! Pour eux plus de soucis. Le joli mariage! L'amour seul les engage, Le joli mariage! Enfin ils sont unis, Pour eux, pour eux plus de soucis. Non, désormais plus de soucis, CHAPELOU Quel bonheur pour mon âme, Je peux donc aujourd'hui L'appeler ma p'tite femme! MADELEINE Te nommer mon mari! CHAPELOU Ma chère femme, ma chère femme! MADELEINE Mon cher mari, mon cher mari! CHAPELOU Ah! quel plaisir! Que c'est gentil, ma chère femme! MADELEINE Mon cher mari! MADELEINE, CHAPELOU, LE CHŒUR Ah! quel plaisir! Que c'est gentil, le joli mariage, |
L'amour seul nous engage, Le joli mariage! Nous voilà donc unis! etc. MADELEINE Je veux dans ton ménage Toujours te rendre heureux! CHAPELOU Femme gentille et sage Doit combler tous mes vœux! LE CHŒUR Voyez! voyez! qu'ils sont heureux! MADELEINE Je veux toujours te rendre heureux! CHAPELOU Tu vas combler tous mes vœux, Ma chère femme! MADELEINE Mon cher mari! ah! quel plaisir! CHAPELOU Que c'est gentil ! MADELEINE Mon petit mari, mon petit mari, Ah ! mon petit mari ! Air Mon petit mari, Tu seras chéri ; Pour toi seul je serai jolie! Ah ! pouvoir d'un cœur Partager l'ardeur De la vie C'est le bonheur! Aux galants toujours rebelle, Te gardant ma foi, Je n'aime que toi ! Je jure d'être fidèle; Moque-toi des sots Et de leurs propos, En homme de bien N'en crois jamais rien. Car dans nos amours Je dirai toujours: Mon petit mari, tu seras chéri |
Pour toi seul je serai jolie! Ah ! pouvoir d'un cœur Partager l'ardeur ! De la vie c'est le bonheur! etc. CHAPELOU Maintenant, à la danse, Amis, que l'on s'élance. MADELEINE Entendez-vous du bal Le vif et gai signal? LE CHŒUR A la danse, à la danse, Allons que l'on s'élance! Entendez-vous du bal Le vif et gai signal? LES PAYSANNES Avec nous venez vite! LES PAYSANS Madame! je vous invite! MADELEINE Merci, messieurs, vraiment! CHAPELOU La contredanse vous réclame. Nous y viendrons dans un instant. Mais, mes amis, avec ma femme, Laissez moi causer un instant. Allez! MADELEINE Vite au son des musettes, Allez, courez tous, Courez en dansant, Les fillettes trouveront un époux! LE CHŒUR Vite au son des musettes, Allons, amusons-nous, En dansant, Les fillettes trouveront un époux! J'entends du bal Le gai signal ! (Les paysans sortent par le fond) |
CHAPELOU Eh bien! ma bonne Madeleine, te v'là Madame Chapelou, la femme du premier postillon de la poste de Lonjumeau, ça flatte l'amour propre d'une jeunesse... hein! méchante? MADELEINE C'est bon, Monsieur le joli cœur. Vous êtes fier comme un paon ! CHAPELOU Écoute donc, Madeleine... sais-tu que j'étais joliment couru des jeunes filles?... quand je pense à va... j'en ai-t-y enjôlé de ces femmes!... J'en ai-t'y croqué de ces poulettes ! ... MADELEINE Oui; mais maintenant, vous ne croquerez que moi..mauvais sujet ! ... CHAPELOU Ah! c'est vrai!..il faut dire bonsoir à la vie de garçon ... (il soupire) ah! MADELEINE Mais... Est-ce que vous ne m'aimeriez plus, Monsieur?... moi, qui vous ai fait tant de sacrifices.... j'ai encore reçu une lettre de ma tante... cette bonne tante qui est allée s'établir à l'Île-de-France, et qui veut absolu- ment que j’aille la rejoindre... CHAPELOU Ah ça! est-ce que décidément elle a fait fortune là-bas, la digne femme? MADELEINE Je crois bien!... une fortune de duchesse!... et tout ça j'y renonce pour épouser Monsieur, qui se permet de soupirer... mais qu'est-ce qui vous tracasse... voyons?... CHAPELOU Eh! bien, tiens, Madeleine, tu vas tout savoir... tu as entendu parler de la mère Grabille?... MADELEINE La vieille sorcière du village?... CHAPELOU Juste ... savante femme! . . . j'ai été la consulter sur notre mariage. MADELEINE Oh! comme ça se rencontre !...tu sais, le père Gaspard?.. |
CHAPELOU Le vieux berger... le petit bossu? MADELEINE Oui, je l'ai consulté de mon côté sur notre union... CHAPELOU Voyez-vous ça ! ... N° 2. Duo MADELEINE, CHAPELOU Quoi, tous les deux! Qui l'aurait cru? Ah! l'aventure est singulière! MADELEINE Parle vite... Chez la sorcière, Dis-moi ce qu'on t'a répondu. CHAPELOU Voilà, voilà, ce qu'on m'a répondu Se démenant comme un vrai diable, Après avoir lu dans ma main, Elle a dit que j'étais aimable, Et surtout fort malin. Que jamais, grâce à ma finesse, Je ne pourrai être attrapé, Que par ma femme ou ma maîtresse, Je ne serai jamais trompé... MADELEINE (riant) Jamais trompé?... CHAPELOU Jamais trompé! MADELEINE Ta sorcière est une ignorante, Vraiment, qui ne sait rien de rien. CHAPELOU C'est une femme fort savante J'en réponds, elle parle fort bien. MADELEINE Enfin, de notre mariage, Que pense-t-elle? Réponds-moi. CHAPELOU Elle m'a dit qu'en ce village |
J'avais tort d'engager ma foi... MADELEINE Mais c'est fort mal! CHAPELOU Elle a dit aussi qu'à la ville M'attendait le plus grand bonheur Qu'il me serait bientôt facile, A Paris, de vivre en seigneur, MADELEINE En seigneur? CHAPELOU En seigneur! Bref, pour parler avec franchise Elle m'a dit qu'en t'épousant, Je fais... non, non, je n'ose pas... MADELEINE Allons... parle! CHAPELOU ... Je fais une bêtise! MADELEINE (avec colère) Qu'entends-je? Ah! c'est affreux vraiment, Cet oracle est trop insolent! CHAPELOU (s'approchant) Apaise ton ressentiment. Ce n'est pas sa faute vraiment Si dans le livre du destin Elle a lu cela ce matin. MADELEINE Ah! quelle impudence! Quelle impertinence! Oui, son ignorance Veut une leçon. Maudite sorcière, Méchante vipère L'on devrait te faire Mourir en prison! Maudite sorcière Méchante vipère! etc. CHAPELOU Si par sa science |
Elle peut d'avance Avec assurance Prévoir l'avenir, En vain la colère Ici t'exaspère; La pauvre sorcière, Pourquoi la punir? La colère égare ta raison, Allons, rappelle ta raison! Maintenant, à ton tour, ma chère, C'est à moi de t'interroger, Je veux savoir tout le mystère. C'est à moi de t'interroger, Que t'a répondu le berger? |
MADELEINE Il m'a dit que dans ce village Si je voulais donner ma foi Je pourrais, pour le mariage, Trouver, mon cher, bien mieux que toi! CHAPELOU (avec suffisance) Bien mieux que moi? MADELEINE Bien mieux que toi! CHAPELOU Ton sorcier n'est qu'un imbécile Qui, vraiment, ne sait rien de rien! MADELEINE Ah! c'est un homme fort habile; J'en réponds, il parle fort bien. Il prétend que ton caractère Rendra notre hymen malheureux, Que loin de chercher à me plaire, Bientôt tu trahiras nos feux, Et que tu n'es qu'un vaniteux... Et surtout un ambitieux! CHAPELOU (se récriant) Il dit que je suis vaniteux? MADELEINE Bref, pour parler avec franchise Il m'a juré qu'en t'épousant Je fais... CHAPELOU Quoi donc? MADELEINE Non, non, je n'ose pas... CHAPELOU Allons donc, parle! MADELEINE Je fais une bêtise. CHAPELOU (avec colère) Qu'entends-je! Ah! c'est affreux, vraiment! Cet oracle est trop insolent! |
MADELEINE Apaise ton ressentiment. Ce n'est pas sa faute vraiment Si dans le livre du destin Il a lu cela ce matin. CHAPELOU Ah! quelle impudence! Quelle impertinence! Oui, son ignorance Veut une leçon. Ah! crains ma colère Méchante vipère; L'on devrait te faire Mourir en prison! MADELEINE Si par sa science Il peut à l'avance Avec assurance Prévoir l'avenir, En vain la colère Ici t'exaspère, On ne peut j'espère Vouloir le punir. La colère égare ta raison, Allons, appelle ta raison! MADELEINE Chapelou, aux sorciers, Vraiment il a foi! CHAPELOU Moi? ah! non! Je n'y crois pas plus que toi! MADELEINE Entre nous deux, Allons, plus de mages Je veux t'aimer toujours, Je te le jure ici. CHAPELOU Je ne croirai jamais A de fâcheux messages. Je veux être pour toi Le plus tendre mari. ENSEMBLE Ah! quel doux avenir! Rien ne pourra nous désunir. |
Allons, ne redoutons plus rien, Chez nous, toujours, tout ira bien. (A la fin de l'ensemble, Chapelou embrasse Madeleine. Biju entre par le fond à droite). BIJU (en habit de travail de forgeron, entrant) Très bien...il parait que vous êtes pressés..allez votre train... ne vous gênez pas... CHAPELOU (à Biju) Dis donc Biju pendant que j'y pense, pourquoi qu'on ne t'a pas vu à ma noce, toi? BIJU (avec humeur) Parce que j'étais à ma forge... MADELEINE Et parce qu'il est jaloux de voir le bonheur d'un rival, n'est-ce pas, Monsieur Biju? CHAPELOU Ah! c'est vrai, je crois qu'il te faisait un petit doigt de cour, Madeleine?... BIJU Je lui faisais bien une cour tout entière...sans compter quelle ne me voyait pas d'un mauvais œil! ... MADELEINE Oh! si l'on peut dire!.. faiseur d'histoires!... CHAPELOU (à Biju) Allez, sans rancune...je ne t'en veux pas...j'ai même un petit service à te demander... BIJU Voyons voir... CHAPELOU Voilà...tous les postillons sont en course, et, s'il arrive ce soir un voyageur, il n'y a pas à dire, il faudra que je mette les bottes. BIJU Eh ben!... CHAPELOU Eh ben! quand on se marie, on a autre chose à faire que de galoper, la nuit, sur la grand-route...Alors, tu auras la complaisance de me remplacer, en cas de besoin.... hein? |
MADELEINE Ainsi, c'est convenu... nous pouvons compter sur vous, voisin?... BIJU Comment donc! pouvez compter... sur rien du tout.. CHAPELOU Tu refuses?... |
BIJU Tout net... et je ne demande plus qu'une chose... c'est qu'il vienne un voyageur... CHAPELOU Ah! j'espère bien tout le contraire... et j'ai lieu de croire (on entend du bruit au fond). Qu'est-ce que c'est que ça? LE MARQUIS (dans la coulisse) Maudit postillon!... holà! quelqu'un? BIJU (avec joie) Un voyageur! MADELEINE (avec tristesse) Un voyageur! CHAPELOU (avec dépit) Un voyageur! que le diable l'emporte! BIJU (se frottant les mains) Fameux! fameux! Dis donc, Chapelou; veux-tu que je t'ai- de à mettre tes bottes?... LE MARQUIS (entrant par le fond) Malotru de postillon!... qui se permet de me verser, moi le Marquis de Corcy, gentilhomme de la chambre du roi!.. Y a-t-il un charron dans ce village? BIJU (s'avançant) Un charron? présent! LE MARQUIS Une roue de ma chaise vient de se briser...peux-tu me la raccommoder? BIJU Oui, mon prince (regardant Chapelou) Dans une heure vous pourrez vous remettre en route... CHAPELOU (tristement à Madeleine) Rien qu'une heure, Madeleine... MADELEINE (à demi-voix) Laisse-moi faire..(au marquis) Si Monsieur en attendant, voulait se rafraîchir, nous avons un petit vin qui n'est pas méchant. LE MARQUIS(brusquement) Je n'ai pas soif; je ne veux qu'une chambre où je puisse attendre en repos que ma chaise soit réparée. MADELEINE (désignant la porte à droite) Entrez là, Monsieur; vous y serez bien à votre aise... |
CHAPELOU (à Madeleine) Et nous, allons rejoindre les amis! MADELEINE Oui, oui! (faisant la révérence au Marquis) Votre servante, Monsieur... (La nuit vient par degrés) LE MARQUIS (seul) Maladroit postillon! Interrompre un voyage d'une si haute importance!... un voyage ordonné par sa majesté Louis le Quinzième. Je vivrais cent ans que les paroles royales ne sortiraient pas de ma mémoire... « Comment, Marquis de Corcy, nous n'aurons pas Castor et Pollux à Fontainebleau!... - Hélas! non, sire... Jéliote, qui devait jouer Castor, s'est fait enlever par une duchesse, et Legros, sa doublure, a pris un coup d'air en dînant au Port à l'Anglais. - Et vous n'avez pas un autre Castor à mettre à la place?...- Pas le moindre Castor, sire... il y a de quoi en perdre la tête!...- A quoi diable sert-il donc de vous avoir donné l'intendance de nos menus plaisirs? Faites des élèves, Monsieur, cherchez des voix... - Et je cherche des voix...si sa majesté croit que c'est facile... (On entend la ritournelle du chœur suivant) Allons, encore ces paysans, la gaîté du peuple m'est fastidieuse. (il entre dans la chambre à droite). N° 3. Morceau d'ensemble et Ronde du Postillon LE CHŒUR Jeunes époux, Voici l'heure fortunée, Où l'hyménée A des instants si doux. CHAPELOU Mes amis, je vous remercie, Mais déjà s'avance la nuit, Et, puisque la noce est finie, Il faut se retirer sans bruit. Bonne nuit ! LES PAYSANS Bonne nuit ! LES PAYSANNES (entourant Madeleine) Un devoir ici nous réclame, Car avant de vous quitter, Au coucher de Madame, Nous devons assister. CHAPELOU Je vous suis . . . LES PAYSANNES Non ! suivant l'usage... CHAPELOU Plaît-il? LES PAYSANNES ... Monsieur, il faut attendre ici! CHAPELOU (avec colère) Que le diable emporte l'usage! Ensemble LES PAYSANNES (aux paysans) |
Il faut obéir à l'usage, Ici retenez le mari ! LES PAYSANS (retenant Chapelou) Il faut obéir à l'usage, Allons, retenons le mari. CHAPELOU Laissez-moi rejoindre ma femme! LES PAYSANS Tu n'iras pas! Tu n'iras pas! CHAPELOU Je vais me fâcher sur mon âme! LES PAYSANS Ça n'y fait rien, tu n'iras pas! CHAPELOU Laissez-moi rejoindre ma femme! LES PAYSANS Tu n'iras pas, tu n'iras pas! Allons, pour prendre patience, Sans qu'on t'y force, mon garçon, Allons, chante nous la romance Du jeune et galant postillon. CHAPELOU Je n'ai pas le cœur aux chansons. LES PAYSANS Chante, chante, Après nous te lâcherons ! |
CHAPELOU Vous le jurez?... LES PAYSANS Nous le jurons Oui, nous te lâcherons! CHAPELOU Allons, en deux temps, Je commence. Ronde I Mes amis, écoutez l'histoire D'un jeune et galant postillon. C'est véridique, on peut m'en croire, Et connu de tout le canton. Quand il passait dans un village, Tout le beau sexe était ravi, Et le cœur de la plus sauvage Galopait en croupe avec lui. Oh! oh! oh! oh! qu'il était beau, Le postillon de Lonjumeau! LE CHŒUR Oh! qu'il est beau, qu'il est beau, qu'il est beau, Le postillon de Lonjumeau! II Mainte dame de haut parage, En l'absence de son mari, Parfois se mettait en voyage Pour être conduite par lui, Aux procédés toujours fidèle, On savait qu'adroit postillon, S'il versait parfois une belle, Ce n'était que sur le gazon ! Oh! oh! oh! oh! qu’il était beau, Le postillon de Lonjumeau! LE CHŒUR Oh! qu'il est beau, qu'il est beau, qu'il est beau, Le postillon de Lonjumeau! LE MARQUIS Quelle voix ravissante! Vraiment, elle m'enchante! Je trouve enfin celui |
Que je cherche aujourd'hui. III CHAPELOU Mais pour conduire un équipage, Voilà qu'un soir il est parti. Depuis ce temps, dans le village, On n'entend plus parler de lui. Mais ne déplorez pas sa perte, Car de l'hymen suivant la loi, La reine d'une île déserte De ses sujets l'a nommé roi. Oh! oh! oh! oh! qu'il était beau, Le postillon de Lonjumeau! LE CHŒUR Oh! qu'il est beau, qu'il est beau, qu'il est beau, Le postillon de Lonjumeau ! LES PAYSANNES A présent, Monsieur le mari, Vous pouvez ordonner ici. Ensemble CHAPELOU, LE CHŒUR Jeunes époux, Voici l'heure fortunée Où l'hyménée A des instants si doux. |
LE MARQUIS Un mot, mon garçon... un mot...tu me vois ravi, enchanté . . . transporté ! ... CHAPELOU Ah, quoi? LE MARQUIS Tu as le plus beau contre-ré que j'ai jamais oui! CHAPELOU J'ai un contre-ré... (Regardant autour de lui) Où ça?... LE MARQUIS Je t'expliquerai plus tard, il s'agit de m'écouter. CHAPELOU J'peux pas... J'peux pas ... ma femme... Madeleine qui m'attend... LE MARQUIS (se plaçant devant la porte, à gauche) Il s'agit bien de ta femme, quand il y va pour toi de ton avenir, de ta fortune!... CHAPELOU (très étonné) Ma fortune? LE MARQUIS Oui, à cause de ton contre-ré... Écoute, te dis-je... je suis intendant des menus plaisirs de sa majesté Louis le Quinzième... CHAPELOU (voulant s'en aller) C'est possible...mais, vu la circonstance, je suis obligé... LE MARQUIS Quand je te dis que tu as cent mille livres dans ton gosier... CHAPELOU Dans mon gosier! ça alors. LE MARQUIS Tu ne sais pas chanter..non; mais tu as une voix timbrée flexible, admirable... je ferai de toi un artiste distingué, et dans six mois, tu débuteras au Grand-Opéra... CHAPELOU Comment ? LE MARQUIS Et tu gagneras dix mille livres par an. |
CHAPELOU Dix mille livres?... LE MARQUIS (il lui donne une bourse) Eh! ce n'est rien cela... tu verras la cour... les princesses... Allons, allons, ne perdons pas de temps... je te le répète, songe à ta fortune, à ton avenir... N° 4. Finale LE MARQUIS A mes désirs, il faut te rendre Avec moi, vite, il faut partir! CHAPELOU Eh quoi!... Partir sans plus attendre? Non, je ne puis y consentir. LE MARQUIS Il faut partir sans plus attendre. CHAPELOU Non, je ne puis y consentir! LE MARQUIS Allons, allons, la résistance est vaine, Le bonheur t'appelle à la cour. CHAPELOU Mais quitter Madeleine... Pour moi son cœur a tant d'amour! |
LE MARQUIS Mon Dieu ! ne te mets pas en peine, Bientôt tu seras de retour... Viens! CHAPELOU Je ne puis! non... un autre jour... Demain... plus tard, La semaine prochaine... LE MARQUIS A l'instant... bannis tout regret... (à part) Sa belle voix m'échapperait! CHAPELOU Pour mon cœur quelle peine! Je ne puis consentir, en ce jour, A quitter Madeleine Lorsque son cœur a tant d'amour! LE MARQUIS Crois en ma promesse; De la noblesse, de la richesse, Heureux favori, Captivant les âmes De toutes les femmes, Des plus nobles dames Tu seras chéri. Pour toi, quel avenir joyeux, Que de plaisirs, que de fortune! Dans tes amours, toujours heureux, Tu séduis la blonde et la brune. CHAPELOU Ah! vous allez me tenter... Je ne pourrai vous résister. LE MARQUIS Eh bien, viens! CHAPELOU Demain... LE MARQUIS Non! dans l'instant! CHAPELOU Non! non! demain... LE MARQUIS |
Non! dans l'instant! CHAPELOU Non! je ne puis... Pour mon cœur quelle peine! Je ne puis, je ne puis, en ce jour, Moi, quitter Madeleine, Lorsque son cœur a tant d'amour! LE MARQUIS Oui, crois en ma promesse, De la richesse, De la noblesse, Heureux favori Captivant les âmes De toutes les femmes, Des plus nobles dames Tu seras chéri. Oui, de toutes les femmes Tu seras chéri! CHAPELOU Ah! quelle promesse! Quoi! de la richesse Et de la noblesse Heureux favori, De toutes les femmes Je serai chéri. Quoi! je serai chéri! BIJU Prince, votre voiture est prête! LE MARQUIS (à Chapelou) C'est bien, c'est bien, C'est fort bien ! Allons! que rien ne nous arrête... Mon ami, quel bonheur pour toi! Demain, demain, quel bonheur, Demain, je te présente au roi! CHAPELOU Eh quoi! demain? LE MARQUIS Je te présente au roi... BIJU Demain il te présente au roi. CHAPELOU Oui da, mon cher, je vais chez le roi; |
J'aurai de l'or plus gros que toi. BIJU Mais expliquez-moi ce mystère. CHAPELOU Devant ce seigneur j'ai chanté; De ma voix il est enchanté! BIJU Pour toi quelle chance prospère; Moi j'ai de la voix, Dieu merci! Et je vais l'enchanter aussi. Tra la, la, la, la, la, la!... LE MARQUIS Oh! le butor!... Finis donc, butor! Partons... BIJU (à Chapelou) Mais Madeleine... Quoi! Tu pars sans la prévenir? CHAPELOU Dis lui que je vais revenir... Ce soir... demain... la semaine prochaine... LE MARQUIS Allons, allons! il faut partir... CHAPELOU Rien ne peut plus me retenir! Allons, allons! il faut partir, Oh! quelle promesse Quoi! de la richesse Trop heureux favori. Captivant les âmes De toutes les femmes, Des plus nobles dames De toutes les femmes Je serai chéri... Allons, allons! il faut partir... Rien ne peut plus me retenir! LE MARQUIS Crois en ma promesse, Oui, de la noblesse Et de la richesse Heureux favori, Captivant les âmes |
De toutes les femmes Oui, bientôt, tu seras chéri!... Allons, allons! il faut partir... Rien ne peut plus te retenir! BIJU La belle promesse Quoi! de la noblesse Et de la richesse Heureux favori, Captivant les âmes De toutes les femmes Des plus nobles dames, |
Bientôt, il sera chéri... Comment il veut déjà partir?... Rien ne peut plus le retenir! MADELEINE Viens, viens, ma voix t'appelle, Viens, viens, mon petit mari; Viens, viens, toujours fidèle, Je t'attends, je t'attends ici. Viens, viens! il ne vient pas! Mon mari! mon mari! BIJU Vous demandez votre mari? Ah! mais vraiment, ça me fait rire! Tenez! tenez, le v'là parti. MADELEINE Comment! Comment! Que veux-tu dire? BIJU On enlève votre mari. MADELEINE Mon mari? BIJU Il ne reviendra plus ici! MADELEINE Grands dieux, m'enlever mon mari! Au secours, au secours! BIJU On enlève votre mari. MADELEINE Au secours... LE CHŒUR Mais quel bruit! D'où vient donc ce tapage? Nous venons mettre le holà! Comment? Dans le nouveau ménage On se disputerait déjà? MADELEINE Mon mari, mon mari! Rendez-moi mon mari! BIJU |
Puisqu'on vous dit qu'il est parti! MADELEINE Mais il va revenir, j'espère? BIJU Jamais!... Sachez tout le mystère: On veut en faire un beau chanteur. Il va devenir grand seigneur. MADELEINE Ah! c'est affreux! ah! c'est infâme! Abandonner ainsi sa femme BIJU Écoutez !... MADELEINE Le premier soir de notre hymen! Comprenez-vous tout mon chagrin? (On entend dans le lointain la voix de Chapelou répéter le refrain de la ronde) CHAPELOU Oh! oh! oh! qu'il était beau Le postillon de Lonjumeau! TOUS Ah! c'est affreux! ah! c'est infâme! Abandonner ainsi sa femme! MADELEINE Loin d'un ingrat qui m'offense Et qui méprise nos amours, Chez ma tante en Île-de-France Je veux aller finir mes jours. BIJU Ah! pour lui quelle heureuse chance, Je veux partager son destin; A la fortune, je m'élance, Et je partirai dès demain! CHŒUR Ah! c'est affreux! ah! c'est infâme! Abandonner ainsi sa femme Le premier jour de son hymen. Tâchons de calmer son chagrin. |
libretto by Adolphe de Leuven, Léon Lévy Brunswick |
Contents: Personnages; Acte I; Acte II; Acte III |