Other “Otello” libretti [show] |
• Italian
• English • German • French |
Line-by-line [show] |
• Italian
• English • German |
“Otello” by Giuseppe Verdi libretto (French)
Contents: Personnages; Acte Un; Acte Deux; Acte Trois; Acte Quatre |
La grande salle du château. A droite un vaste péristyle donnant sur une salle de plus petites proportions. Au fond une terrasse. LE HÉRAUT (du péristyle, à Othello dans la salle avec Iago) La vedette du port a signalé la galére vénitienne qui à Chypre amène les ambassadeurs. OTHELLO C’est bien. (Il fait signe au héraut de s’éloigner. Le héraut sort.) (à Iago) Poursuis. IAGO J’amènerai ici Cassio et à coup d’adroites questions le ferai parler. (indiquant l’embrasure de la terrasse) Cachez-vous là; scrutez ses manières, ses paroles, les rires, les gestes. |
Soyez patient, ou la preuve vous échappera. Voici Desdémone. Il convient de feindre... Je m’en vais. (Il s’éloigne comme pour sortir, puis s’arrête et revient sur ses pas vers Othello.) Le mouchoir... OTHELLO Va ! Je l’aurais volontiers oublié. (Iago sort, Desdémone entre par la porte de gauche.) DESDÉMONE (encore sur le seuil) Dieu te tienne en joie, ô souverain époux de mon âme! OTHELLO (allant à la rencontre de Desdémone et lui prenant la main) Merci, madame. Donnez-moi votre main ivoirine. De sa moite chaleur est humectée sa douce beauté. DESDÉMONE Elle ignore encore les traces de la douleur et de l’age. OTHELLO Et pourtant niche ici l’aimable mauvais génie qui enlumine le bel ivoire de votre minuscule griffe. Souplement il se prète à la prière, la pieuse ferveur... DESDÉMONE Et pourtant avec cette main je vous ai donné mon cœur. Mais je dois te reparler de Cassio. OTHELLO A nouveau m’oppresse mon mal ; enveloppe-moi le front. DESDÉMONE (sortant un mouchoir) Voici. OTHELLO Non! Je veux le mouchoir que je t’ai donné. |
DESDÉMONE Je ne l’ai pas avec moi. OTHELLO Desdémone, malheur si tu l’as perdu! Malheur! Une puissante magicienne en ourdit la trame secrète ; c’est un talisman où repose un charme éminent. Prends garde! L’égarer ou le donner serait une catastrophe! DESDÉMONE Dis-tu vrai ? OTHELLO Je dis vrai. DESDÉMONE Tu me fais peur !... OTHELLO Quoi ? L’as-tu perdu peut-être ? DESDÉMONE Non... OTHELLO Va le chercher. DESDÉMONE Sous peu... j’irai le chercher... OTHELLO Non, tout de suite ! DESDÉMONE Tu te joues de moi! Tu détournes ainsi ma requête en faveur de Cassio; c’est une astuce de ta pensée. OTHELLO Par le ciel ! Mon âme s’éveille ! Le mouchoir... DESDÉMONE Cassio est ton plus cher ami. OTHELLO Le mouchoir ! |
DESDÉMONE Pardonne à Cassio... OTHELLO Le mouchoir ! DESDÉMONE Grand Dieu ! Il y a dans ta voix un cri de menace! OTHELLO Lève les yeux! DESDÉMONE Idée atroce ! OTHELLO (la saisissant par les bras, puis lui relevant de force menton.) Regarde-moi en face! Dis-moi qui tu es ! DESDÉMONE La fidèle épouse d’Othello. OTHELLO Jure-le! Jure et damne-toi... DESDÉMONE Othello me sait fidèle. OTHELLO Je te sais coupable. DESDÉMONE Dieu m’aide ! OTHELLO Cours à ta damnation, dis que tu es chaste. DESDÉMONE (le fixant) Je suis chaste ! OTHELLO Jure et damne-toi ! DESDÉMONE Atterrée, je fixe en tremblant ton regard. En toi parle une furie. |
Je l’entends et ne comprends pas. Regarde-moi! Visage et âme, je t’expose ; scrute mon cœur brisé... je prie le ciel pour toi avec ces pleurs, pour toi avec ces gouttes brûlantes j’arrose le sol. Regarde les premières larmes que m’arrache la douleur. Les premières larmes! OTHELLO Si ton démon te voyait à l’heure présente, il te croirait un ange et ne te toucherait pas. DESDÉMONE L’Éternel voit ma foi ! OTHELLO Non ! L’enfer la voit. DESDÉMONE J’implore ta justice, ô mon époux ! OTHELLO Ah! Desdémone! Arrière! Arrière ! Arrièe ! DESDÉMONE Toi aussi pourtant tu pleures ! et gémissant contiens ton cœur qui se brise. Et je suis la cause innocente de tant de larmes ! Qu’ai-je fait ? OTHELLO Tu le demandes? Le crime le plus noir est inscrit sur le lis candide de ton front. DESDÉMONE Hélas! OTHELLO Quoi? N’es-tu pas une vile courtisane? DESDÉMONE Ciel ! |
Non ... non ... par tout le saint baptême de la foi chrétienne ! OTHELLO Quoi? DESDÉMONE Ah! je ne suis pas ce qu’exprime ce mot horrible ! (Avec un revirement subit, Othello, allant de la colère au calme plus effrayant de l’ironie, prend Desdémone par la main et la conduit vers la porte par laquelle elle est entrée.) OTHELLO Donnez-moi encore votre main ivoirine, je veux faire amende honorable. Je vous croyais (pardonnez cette mauvaise pensée) cette vile courtisane qui est l’épouse d’Othello. (Sans perdre son calme, Othello fait sortir de force Desdémone. Puis il revient au milieu de la salle, au comble de l’abattement.) Dieu! Tu pouvais m’infliger tous les maux de la misère et du déshonneur, faire des trophées de mes triomphes un amas de décombres, un mensonge, et j’aurais porté cette croix cruelle d’angoisse et de honte avec un front calme et résigné à la volonté du ciel. Mais, – ô larmes, ô douleur – on m’a ravi le mirage où, joyeux, j’apaisais mon âme. Eteint est ce soleil, ce sourire, ce rayon qui m’était vie et bonheur ! Eteint est ce soleil, etc. Et toi enfin, clémence, immortel esprit de piété, au rose sourire, tu couvres ta face sainte de l’affreux masque infernal. Ah! Damnation! Qu’elle avoue d’abord son crime et puis qu’elle meure ! L’aveu ! L’aveu ! (Entre Iago.) |
La preuve!... IAGO (indiquant l’entrée) Cassio est là ! OTHELLO Là ! Ciel ! O joie ! (avec un recul) Horreur! Supplices immondes! IAGO Domine-toi ! (Il conduit rapidement Othello au fond à gauche, où se trouve l’embrasure de la terrasse.) Cache-toi. (À peine a-t-il conduit Othello a la terrasse, Iago court vers le fond du péristyle. Il y rencontre Cassio qui hésite à entrer.) (à Cassio) Viens ; la salle est déserte. Entre, capitaine. CASSIO Vain est ce titre d’honneur qui sonne encore à mes oreilles. IAGO Courage, ta cause est en de telles mains que la victoire est certaine. CASSIO Je croyais retrouver ici Desdémone. OTHELLO (caché) Il a prononcé son nom. CASSIO Je voudrais encore lui parler, pour savoir si j’obtiendrais grâce. IAGO Attends-la ; (coduisant Cassio à la première colonne du péristyle) et en attendant, puisque jamais ne se fatigue ta langue à des contes folâtres, parle-moi un peu de celle qui te captive. CASSIO De qui? |
IAGO De Bianca. OTHELLO (à part) Il sourit ! CASSIO Blague! IAGO Elle te ravit avec ses jolis yeux. CASSIO Tu me fais rire. IAGO Rit qui a la victoire. CASSIO (riant) En ces rencontres en vérité. est victorieux qui rit. Ha ! Ha ! IAGO (riant) Ha! Ha! OTHELLO (de la terrasse) L’impie me nargue, son rire me tue. Dieu, retiens l’angoisse que j’ai au cœur... CASSIO Je suis déjà repu de baisers et de plaintes. IAGO Tu me fais rire. CASSIO O fugaces amours ! IAGO Tu caresses l’empire d’une autre beauté. Ai-je vu juste ? CASSIO Ha! Ha! IAGO Ha! Ha! |
OTHELLO (comme avant) L’impie me nargue, son rire me tue, Dieu, retiens l’angoisse que j’ai au cœur ! CASSIO Tu as vu juste. Oui, je le confesse. Écoute-moi. IAGO Parle bas. Je t’écoute. (Iago conduit Cassio en un lieu plus éloigné d’Othello.) CASSIO Iago, tu connais ma demeure ... (Les paroles se perdent.) OTHELLO (s’avançant un peu et avec précaution pour entendre les paroles) Il lui raconte la manière, le lieu et l’heure... CASSIO ... de main inconnue... (Les paroles se perdent encore.) OTHELLO Je n’entends pas... Hélas!... et je voudrais les entendre! Où en suis-je arrivé ! CASSIO ... un voile brodé. IAGO C’est étrange! C’est étrange ! OTHELLO Iago me fait signe d’approcher. (s’avançant-avec précaution et se dissimulant à nouveau derrière les colonnes) IAGO De main inconnue? Quelle blague ! CASSIO Sérieusement. (Iago lui fait signe de baisser de nouveau la voix.) |
Combien il me tarde de savoir qui. IAGO (jetant un coup d’œil du côte d’Othello, à part) Othello épie. (à Cassio) L’as-tu avec toi ? CASSIO (sortant de son justaucorps le mouchoir de Desdémone) Regarde. IAGO (prenant le mouchoir) Quelle merveille ! (à part) Othello écoute. Il s’approche adroitement. (à Cassio, plaisantant) Beau cavalier, en votre hôtel les anges perdent voile et auréole, (passant le mouchoir derrière son dos afin qu’Othello puisse l’examiner) OTHELLO (toujours caché derrière la première colonne, mais s’avançant d’assez près pour examiner le mouchoir) C’est lui ! C’est lui ! Ruine et mort! IAGO (à part) Othello écoute. OTHELLO Tout est mort! amour et douleur. Nul ne peut plus émouvoir mon cœur. IAGO (à Cassio, indiquant le mouchoir) Voici une toile d’araignée où ton cœur se prend, s’entortille, se lamente et meurt. Tu l’admires trop, tu la regardes trop ! Attention aux délires vains et menteurs. Voici une toile d’araignée, etc. CASSIO (regardant le mouchoir qu’il vient de reprendre à Iago) Miracle charmant de l’aspe et de l’aiguille |
qui transmue en rayons les fils d’un voile, plus blanc, plus léger que flocon de neige, que nuage tissé par les brises du ciel ! IAGO Voici une toile d’araignée où ton cœur ... ... se prend, s’entortille, se lamente et meurt. CASSIO Charmant miracle ... IAGO Voici une toile d’araignée, etc. OTHELLO (caché derrière la colonne et regardant de temps en temps le mouchoir entre les mains de Cassio) Trahison trahison, trahison, ta preuve, ton effroyable preuve, tu la montres au soleil ! IAGO Tu l’admires trop, etc. Ah, gare, voici une toile d’araignée, etc. CASSIO ... plus blanc, plus léger, etc. Miracle, miracle charmant, ... ... miracle charmant! OTHELLO Trahison! ... IAGO Tu l’admires trop ! OTHELLO ... trahison! (retournant dans l’embrasure de la terrasse) IAGO Gare! Gare! (Au loin trompettes auxquelles répondent celles du château. Coup de canon.) |
C’est le signal qui annonce l’approche de la trirème vénitienne. (Trompettes dans d’autres directions.) Écoute. Tout le château répond par ses sonneries. Si tu ne veux pas rencontrer Othello ici, fuis. CASSIO Adieu. IAGO Va . (Cassio sort rapidement par le fond.) OTHELLO (s’approchant de Iago) Comment la tuerai-je? IAGO Avez-vous bien vu comme il a ri ? OTHELLO J’ai vu ! IAGO Et le mouchoir? OTHELLO J’ai tout vu. VOIX LOINTAINES Vivat ! Accoste ! Débarque! OTHELLO Elle est condamnée! VOIX LOINTAINES Vivat ! OTHELLO Procure-moi un poison pour cette nuit. IAGO Le poison, non... VOIX LOINTAINES Vive le Lion de Saint-Marc ! |
IAGO ... mieux vaut l’étouffer là, dans son lit, où elle a pêché. OTHELLO Ton sens de la justice me plaît. IAGO À Cassio Iago pourvoira. OTHELLO Iago, désormais tu es mon capitaine. IAGO Mon chef, je vous rends grâce! Voici les ambassadeurs. Accueillez-les. Cependant, pour éviter les soupçons, que Desdémon se montre à ces messieurs. OTHELLO Oui, conduis-la ici. (Iago sort par la porte de gauche ; Othello s’avance vers le fond pour recevoir les ambassadeurs. Les trompettes sonnent de nouveau. Entrent Iago, Lodovico, Rodrigue, le héraut, Desdémone avec Emilia, les dignitaires de la Sérénissime République, gentilhommes et dames, soldats, trompettes, puis Cassio.) HOMMES ET FEMMES Vivat ! Vivat ! Vive le Lion de Saint-Marc ! Vivat! Vivat ! etc. Vive le Lion de Saint-Marc ! LODOVICO (tenant à la main un parchemin enroulé) Le doge et le conseil saluent le triomphateur, le héros de Chypre ! Entre vos mains je remets le message du doge. OTHELLO (prenant le message et baisant le sceau) Je baise le seing de la majesté souveraine. (Puis il le déroule et lit.) |
LODOVICO (s’approchant de Desdémone) Madame, le ciel vous ait en sa sainte garde. DESDÉMONE Et le ciel vous entende. EMILIA (à part à Desdémone) Comme tu es triste ! DESDÉMONE (à part à Emilia) Emilia! Un grand nuage trouble la raison d’Othello et ma destinée. IAGO (à Lodovico) Monseigneur, je suis heureux de vous voir. LODOVICO Iago, quelles nouvelles?... Mais je ne vois pas Cassio parmi vous. IAGO Othello est fâché contre lui. DESDÉMONE Je crois qu’il rentrera en grâce. OTHELLO (lisant toujours, mais rapidement à Desdémone) En êtes-vous sûre? DESDÉMONE Que dites-vous ? LODOVICO Il lit ; il ne vous parle pas. IAGO Peut-être rentrera-t-il en grâce. DESDÉMONE Iago, je l’espère: tu sais quelle véritable affection je porte à Cassio... OTHELLO (toujours lisant, mais fiévreusement à Desdémone, à voix basse) Retenez donc votre babillage... |
DESDÉMONE Pardonnez, seigneur... OTHELLO (se jetant sur Desdémone) Démon, tais-toi ! LODOVICO (arrêtant le geste d’Othello) Halte ! HOMMES ET FEMMES Quelle horreur ! LODOVICO Je n’ose pas croire la vérité de ce que j’ai vu. OTHELLO (au héraut) Trouve-moi Cassio! (Le héraut sort.) IAGO (à Othello, à voix basse) Que cherches-tu ? OTHELLO (à Iago, à voix basse) Regarde-la quand il arrive HOMMES ET FEMMES Ah! Pauvre femme ! LODOVICO (s’approchant de Iago et le prenant à part) Voici donc le héros? Voici donc le guerrier aux sublimes audaces? IAGO (à Lodovico, haussant les épaules) Il est ce qu’il est. LODOVICO Explique ta pensée. IAGO Mieux vaut se taire sur la question. OTHELLO (qui a gardé les yeux fixés sur la porte) Le voilà ! C’est lui ! (Cassio paraît.) |
(à Iago) Sonde-le dans l’âme. (à voix haute à tous:) Messieurs !... Le doge... (à part à Desdémone qui pleure) – tu feins bien les larmes – (à tous) ...me rappelle à Venise. RODRIGUE (à part) Perfidie du sort! OTHELLO Et désigne pour me succéder à Chypre celui qui se tenait prés de mon étendard – Cassio. IAGO (à part, surpris et furieux) Enfer et mort! OTHELLO (continuant et montrant le parchemin) La parole ducale, est notre loi. CASSIO (s’inclinant devant Othello) J’obéirai. OTHELLO (rapidement à Iago, indiquant Cassio) Vois-tu?... il ne semble pas que l’infâme exulte. IAGO Non. OTHELLO (à tous) L’équipage et la cohorte... (à voix basse à Desdémone) – continue à sangloter – (à tous) ...et la flotte et le château, je laisse au pouvoir du nouveau chef. LODOVICO (indiquant Desdémone qui s’approche suppliante) Othello, par pitié, réconforte-la ou tu lui brises le cœur. |
OTHELLO (à Lodovico et à Desdémone) Nous appareillons demain. (Il saisit furieusement Desdémone. Elle tombe.) (à Desdémone) A terre!... et pleure ! (Dans sa fureur, Othello a jeté le parchemin à terre ; Iago le ramasse et le lit subrepticement. Emilia et Lodovico relèvent Desdémone avec compassion.) DESDÉMONE A terre!... oui... dans la boue blême... frappée... je gis... je pleure... me glace le frisson de l’âme qui meurt. Et jadis à mon sourire fleurissait l’espoir, le baiser et maintenant... l’angoisse au visage et l’agonie dans le cœur ! Ce soleil serein et clair qui enjoue ciel et mer ne peut plus assécher les larmes amères de ma douleur, les larmes amères de ma douleur ! EMILIA (à part) L’innocente n’a pas un frisson de haine ni un geste, elle retient dans sa poitrine ses plaintes avec une sobre douleur. CASSIO (à part) C’est l’heure du destin! un éclair sur mon chemin l’indique ; déjà de mon sort la crête s’offre à ma main inerte. RODRIGUE (à part) Pour moi s’obscurcit le monde, les nuages couvrent mon destin; mon ange doux et blond disparaît de mon chemin. LODOVICO (à part) Lui, sa main funéraire, il l’agite, haletant de colère ; elle, la face éthérée, la tourne en pleurant vers le ciel. |
FEMMES (à Othello) Pitié !... Pitié ! HOMMES ... Mystère LODOVICO Lui, sa main funéraire... FEMMES Pitié ! pitié ! DESDÉMONE Et jadis à mon sourire fleurissaient l’espoir et le baiser... EMILIA Les larmes coulent, muettes, sur son visage désolé;... CASSIO La fortune ivre harcèle la fuite de la vie. RODRIGUE Mon doux ange disparaît de mon chemin. LODOVICO ... il l’agite, haletant de colère, elle, la face éthérée, la tourne en pleurant vers le ciel ! FEMMES Pitié ! pitié ! etc. HOMMES Mystère! Mystère! (Iago s’approche d’Othello qui s’est effondré sur un siège.) IAGO Un mot. OTHELLO Et quoi ? IAGO Hâte-toi ! |
Mets sans tarder ta vengeance en œuvre. Le temps vole. OTHELLO Bien parlé. IAGO La colère est un sot bavardage. Agis ! Considère l’œuvre, l’œuvre seule! Moi, je pense à Cassio. Qu’il expie ses intrigues, et l’enfer engloutisse son âme indigne ! OTHELLO Qui la lui extirpera ? IAGO Moi. OTHELLO Toi ? IAGO J’ai juré. OTHELLO Soit. IAGO Tu auras cette nuit de ses nouvelles. DESDÉMONE ... et maintenant, l’angoisse au visage et l’agonie dans le cœur... à terre... dans la boue... frappée... je gis... me glace le frisson de l’âme qui meurt. EMILIA ... non, qui ne pleure pas pour elle ne connaît pas la pitié. L’innocente n’a pas un frisson, etc. CASSIO Celle qui m’élève au ciel est une vague de tempête. La fortune ivre harcèle |
la fuite de la vie. Celle qui m’élève au ciel, etc. RODRIGUE Pour moi s’obscurcit le monde, etc. LODOVICO Elle, la face éthérée, la tourne en pleurant vers le ciel. En contemplant ces larmes la charité soupire et une tendre compassion fond la glace du cœur. FEMMES Une angoisse mortelle, sinistre accable les cœurs longuement abimés d’horreur. HOMMES Cet homme noir est sépulcral, et en lui existe une ombre aveugle de mort et de terreur ! EMILIA Les larmes coulent muettes sur son visage désolé... CASSIO La fortune ivre harcèle, etc. RODRIGUE Pour moi s’obscurcit le monde, etc. LODOVICO En contemplant ces larmes, etc. FEMMES Vision cruelle ! Une angoisse mortelle, etc. HOMMES II déchire de ses ongles son effrayante poitrine. Il fixe ses regards immobiles au sol. Puis il défie le ciel de son poing ténébreux, sa face hirsute dressée vers les flèches hautes du soleil. DESDÉMONE Et jadis à mon sourire... |
EMILIA ... non, qui ne pleure pas pour elle ne connaît pas la pitié. CASSIO Celle qui m’élève au ciel est une vague de tempête. RODRIGUE Mon ange doux et blond disparaît de mon chemin. LODOVICO ... et une tendre compassion... FEMMES Vision cruelle. HOMMES Il déchire de ses ongles, etc. (Iago se tourne vers Rodrigue.) IAGO L’objet de tes rêves sera demain en mer et toi sur l’âpre terre ! RODRIGUE as, quelle tristesse ! IAGO Las, quelle sottise ! Sottise ! Si tu le veux, tu peux espérer ; debout les hommes ! Ceins-toi et écoute-moi. RODRIGUE Je t’écoute. IAGO À I’aube appareille le vaisseau. Cassio est maintenant le chef. Or, s’il lui arrive quelque malheur, Othello reste ici. La main à l’épée! À la nuit close, moi, j’épie ses mouvements, je guette son passage et l’heure, le reste te regarde. Je serai ton escorte. |
Taïaut ! Taïaut ! Bande ton arc ! RODRIGUE C’est oui ! Je t’ai vendu honneur et foi. (Les voix de Iago et de Rodrigue se perdent dans le tumulte général.) DESDÉMONE ... fleurissaient l’espoir et le baiser, etc. EMILIA Non, qui ne pleure pas pour elle ne connaît pas la pitié, etc. CASSIO La fortune ivre harcèle, etc. LODOVICO ... fond la glace du cœur. Qui ne pleure pas pour elle, etc. FEMMES Vision cruelle ! Il l’a frappé ! Ce saint visage, pâle et délicat, s’incline et se tait et pleure et meurt. Ainsi dans le ciel pleurent de chagrin les anges quand gît le pécheur perdu. HOMMES Il fixe ses regards immobiles au sol. Il défie le ciel, etc. FEMMES Ce saint visage... EMILIA L’innocente n’a pas un frisson... CASSIO La fortune ivre harcèle... RODRIGUE (s’éloignant de Iago) Les dés sont jetés ! IAGO (observant Rodrigue, à part) Cours au mirage! |
LODOVICO En contemplant ces larmes... FEMMES ... pâle et délicat... HOMMES Cet homme noir est sépulcral ! FEMMES ... s’incline et se tait... EMILIA ... de haine ni un geste,... CASSIO ... la fuite de la vie,... RODRIGUE Les dés sont jetés ! IAGO Cours, cours au mirage! LODOVICO La charité soupire... FEMMES ... et se tait et pleure. HOMMES Cet homme noir est sépulcral ! DESDÉMONE Et jadis à mon sourire... ... fleurissaient l’espoir et le baiser, etc. EMILIA ... de haine, etc. CASSIO ... la fortune ivre harcèle, etc. LODOVICO ... la charité soupire, etc. IAGO Cours au mirage ! Ta raison fragile est déjà troublée par un songe mensonger, etc. |
Suis mon plan habile et agile, amant abusé, moi je suis mon idée, etc. RODRIGUE Les dés sont jetés ! Intrépide, je t’ attends, ma dernière chance, mon destin caché, etc. L’amour m’éperonne, mais, avide, effrayante, une étoile de mort infeste mon chemin, etc. FEMMES/HOMMES (comme précédemment) OTHELLO (se dressant et se tournant, terrible, vers la foule) Fuyez ! TOUS Ciel ! OTHELLO (s’elançant contre la foule) Fuyez tous Othello ! IAGO (à tous) Un sort le prive de ses sens. OTHELLO Qui ne s’en va pas se montre rebelle à moi! LODOVICO (cherchant à entraîner Desdémone) Suivez-moi. HOMMES (au loin) Vivat ! (distantes trompettes) DESDÉMONE (s’arrachant de Lodovico et courant vers Othello) Cher époux ! OTHELLO Chère âme, je te maudis ! HOMMES ET FEMMES Horreur ! |
(Tous s’en vont, horrifiés ; Desdémone sort, soutenue par Lodovico et Emilia. Othello et Iago restent seuls.) OTHELLO Moi seul ne puis me fuir! Sang!... Ah ! l’ignoble pensée! (toujours haletant) Ceci me déplaît! (convulsivement, délirant) Voir leur étreinte... le mouchoir! le mouchoir! Ah ! ah ! ah ! (Ils’évanouit.) IAGO (à part) Mon poison opère. HOMMES (dans la garnison) Vive Othello ! IAGO (ècoutant les cris) L’écho de la victoire... HOMMES Vivat ! Vivat ! IAGO ... élève sa dernière louange. HOMMES Vivat ! IAGO (contemplant Othello étendu à terre sans connaissance) Qui empêche que j’écrase cette tête sous mon talon? HOMMES (de plus près) Vivat! Vive Othello ! Gloire au Lion de Venise! IAGO (se dressant droit et d’un ignoble geste de triomphe, désignant le corps inerte d’Othello) Voilà le Lion ! |
libretto by J. Barnabé, 1986 |
Contents: Personnages; Acte Un; Acte Deux; Acte Trois; Acte Quatre |